LEGENDAIRE, HISTORIQUE :
UNE DIFFERENCE GENERIQUE SEULEMENT ?
Prélude
Quelle ne fut ma déception lorsque, ce mercredi 12 juillet 2006, la pluie s’abattit sur To’ata ! Heureusement cette déception ne fut que passagère puisqu' ensuite les spectateurs ont pu rejoindre les tribunes desquelles ils s’étaient éloignés comme des souris quittant un navire.
J’avoue avoir attendu avec impatience cette soirée où doivent concourir deux groupes de danse en catégorie historique – à savoir, Te u’i no Pare Nui et Ahutoru Nui- non que les spectacles des groupes en catégorie légendaire ne m’aient pas plu, au contraire, mais espérant certainement inconsciemment trouver une différence d’exécution entre les spectacles de l’une et de l’autre catégorie.
Naïveté ?
Malheureusement pour moi, je n’ai hélàs pas pu repérer de distinction frappante entre l’une et l’autre des deux catégories, mon erreur ayant été d’espérer ou de croire qu’il en existait de visible.
De là peuvent émerger des questions peut-être naïves : quels ont été les arguments ayant donné la légitimité à cette distinction nouvelle dans le règlement de ce heiva 2006 ? Pourquoi cette classification ? Qu’est-ce qui a amené à l’adoption de cette nouvelle catégorisation si visuellement la différence entre les deux n’était pas repérable ?
Approche littéraire
En effet, ce qui change ici est que cette fois la classification des groupes de danse prend en compte non pas la qualité de ses éléments mais la catégorie textuelle de son thème, son appartenance générique. Il y a donc ici un épanchement, une appréciation « littéraire » des groupes – j’avoue que c’est assez mal exprimé – et une distance volontaire par rapport à la constitution de chacun d’eux. La catégorisation ne se situe plus au même niveau.
Terminologie « litigieuse »
Une des conséquences soulevée par la double entrée « historique / légendaire » n’est pas sans rappeler le vieux débat pointant du doigt la classification des groupes en groupes « amateurs » ou « professionnels », « novices » ou « chevronnés », « hura ava tau » ou « hura tau » ou encore ceux dont le spectacle était « traditionnel » ou répertorié dans la catégorie « création ». N’y a-t-il pas une double entrée qui puisse convenir à tout le monde et qui soit par conséquent unanimement adoptée et acceptée pour une sorte d’accord universel ? Serait-ce rêver ou trop demander ? Mystère et …boule de gomme.
Les origines de cette nouvelle classification ?
Adopter la classification « légendaire/ historique » est-il un moyen pour éviter l’écueil des précédentes appellations ? Est-ce pour autant une décision argumentée et mûrement réfléchie au préalable, ou bien, est-ce un moyen de facilité pris au hasard, une façon de tenter le coup, une sorte de coup d’essai ?
Ce choix de catégorisation est-il une façon d’éviter que ne se pose de nouveau le problème de l’inadéquation entre l’étiquette que porte un groupe et la qualité réelle des personnes qui le composent ?
Etiquette et réalité
En effet, peut-on qualifier d’ « amateur » un groupe dont la plupart des membres a déjà de l’expérience, voire une maîtrise « infaillible »- je sais que rien ni personne n’est parfait mais il arrive que l’on frôle cette perfection- de la danse et qui pourtant fait sa première entrée sur To’ata ?
Au contraire, peut-on considérer comme « professionnel »un groupe dont les membres n’ont aucune expérience de la scène et de la danse « de haut niveau »- que j’oppose ici un peu arbitrairement et un peu trop catégoriquement à la danse paroissiale, non pas qu’il soit incompatible qu’un paroissien puisse être un excellent danseur… – et qui pourtant pour avoir fourni un spectacle supérieur en qualité par rapport à tous ses autres concurrents a remporté le premier prix lors de sa toute première participation au heiva ?
Immutabilité des groupes
La catégorisation des groupes est d’autant plus difficile que ces derniers ne sont jamais homogènes – à part les groupes qui opèrent des sélections pointues- et ne sont jamais constitués entièrement des mêmes éléments selon les heiva qui défilent. Des migrations de danseurs, de batteurs, de raatira, de chefs, d’auteurs se font en effet régulièrement. Puis, on se rend compte de manière quasi absolue que d’un groupe n’est fidèle que le nom et encore…Ainsi, chaque année, chaque groupe se renouvelle, plus ou moins de l’intérieur.
Vers une codification académique de la danse ?
Où s’arrête la tradition et où commence la création-à supposer que l’une commence quand l’autre s’arrête et que l’une soit effectivement révolue ? Y a-t-il incompatibilité totale, partielle entre les deux ou tout simplement un faux débat ? Un séminaire initialement prévu en vue de codifier la danse et de la rendre académiquement paramétrable s’imposerait-il avec urgence ? Ceci permettrait, à défaut d’une unanimité des décisions, une certaine harmonisation des « tensions ». L’élaboration d’une sorte d’encyclopédie de la danse sur laquelle on ne pourrait plus poser d’objections qui passeraient pour des scandales serait un moyen de sauvegarder, d’ « immortaliser » et de fixer dans nos mémoires les états de la danse tahitienne. Mais là, je m’éloigne un peu, mais sans e xagération…
Un « oubli » volontaire ? Abstraction quand tu nous tiens
Une autre chose est à souligner quant à la classification des groupes selon leurs thèmes : on oublie les thèmes qualifiés d’ « abstraits » auparavant. Je prends pour exemples, « L’Héritage » de Temaeva en 1996 et en 1997, « Le Temps » de Heikura Nui vers 1998 (pardon pour l’imprécision) ou encore la thématique de la solitude et de la différence abordée par Nonahere en 2005 et « (Te) Muhu a Fenua » de O Tahiti e la même année. Il doit certainement y avoir des nuances plus fines à apporter à l’intérieur de cette classification mais je ne suis pas en mesure de le faire moi-même. Avis aux amateurs et connaisseurs…
Des réflexions ouvertes en perspective autour de la manière de classer les groupes de danse, des réponses en attente.
Vaihere Cadousteau
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