Les bases d’exécution de la danse tahitienne
Il m'a été demandé de présenter les fondamentaux de la danse tahitienne.’ Expliquer les bases d’exécution de danse tahitienne.
A ma connaissance ceci n’a jamais été fait, du moins sous cette forme. Rien dans la danse tahitienne n’est à ce jour codifié, pas même au conservatoire.
J’ai donc procédé par analogie avec ce que je sais être les fondamentaux de la danse classique, que j’ai pratiquée depuis l’enfance et dont je pratique toujours la barre .
Généralités
Je me suis limitée à la partie technique. La partie symbolique existe bel et bien mais elle prête régulièrement à controverse car elle correspond dans une large part à une réapropriation du passé : la danse a été purement et simplement interdite au début du 19ième siècle par les premiers missionnaires.
En théorie tout a une signification . La pratique apparaît comme bien plus prosaïque .
A quelques exceptions près les techniques de danse des hommes et des femmes sont très différentes.
Les chorégraphies peuvent les faire danser ensemble ou séparément, mais jamais en mouvements à l’unisson. Le duo, ou le pas de deux existe, en particulier dans le cadre des compétitions de danse.
Mes activités de chorégraphe m’ont conduite à faire danser des troupes mixtes. Cependant je n’enseigne pas la danse des hommes et pour l’heure le projet que je présente ne fait danser que les femmes. Je n’expose donc ici que ce qui concerne la danse des femmes.
Il en va de la danse tahitienne comme de toute autre danse dans toute culture : ses techniques sont une manière de marquer le rythme, une conception du corps en mouvement qui reflète une conception de l’univers.
Or l’univers « maohi » (c’est à dire polynésien au sens élargi du terme) n’est absolument pas synthétique, bien au contraire il est analytique à l’envi . Au niveau du mouvement dansé cela se traduit par une redoutable complexité qui n’apparaît pas au premier regard. Des chorégraphies qui empilent des pas les uns sur les autres sur des rythmes qui peuvent être effrénés.
De là vient sans doute l’absence quasi totale de pédagogie dans l’enseignement de la danse. La transmission se fait généralement par « imprégnation ». On montre, et au mieux on corrige, juste en disant « c’est faux, regarde et suis moi ».
On explique rarement à l’élève, et seulement si elle le demande avec précision.
Je me limite ici à tenter de décrire l’exécution des deux mouvements de base dont sont issus tous les autres pas.
Ceux-ci sont multiples dès lors que l’on acquiert le niveau de maîtrise requis. L’apprentissage nécessite plusieurs années de pratique et reste le fait de peu de personnes, même si la danse est très largement pratiquée à titre de loisir.
La technique
Deux mouvements de base dont sont issus les pas de base et les variantes : le balancement et le roulement.
Les pas se déplacent dans toutes les directions de l’espace. Ces mouvements sont des oscillations et des rotations « en ellipse » autour de l’axe que constitue la colonne vertébrale.
Ils s’exécutent en utilisant la force du poids du corps (transfert du poids du corps)
Le buste ne répercute jamais les mouvements du bas du corps ; il reste libre pour l’exécution de la gestuelle. La gestuelle et les pas sont rigoureusement coordonnés.
Traditionnellement seule la gestuelle exprime le thème de la danse . Cette règle n’est cependant pas obligatoire, tant les techniques de danse et la conception chorégraphique ont évolué ces dernières années. Dans les concours de danses, les pas se doivent désormais de servir le thème, le sujet
Placement , appuis plantaires, transfert du poids du corps
La danse tahitienne s’exécute les genoux fléchis (cassés). Pour assurer la bonne exécution du pas , l’épaule, la hanche et la cheville doivent être alignées verticalement. Les pieds sont parallèles , placés en dedans, serrés, écartés à la largeur du bassin ou encore en grande seconde.
Le genoux doit être à l’aplomb des orteils .
Concernant les appuis plantaires, le poids du corps s’exprime sur le bords extérieur du pied afin de ne pas laisser le genoux s’effondrer vers l’intérieur, dans une position « en X ».
L’en dedans et l’en dehors sont des concepts que l’on ignore dans la danse tahitienne . Je ne les utilise que pour faire référence à des notions qui vous sont familières. L’en dehors est nécessaire pour certaines variantes . les filles qui n’en sont pas pourvues naturellement ne parviennent jamais à les exécuter proprement.
Le rapport à la musique
Les rythmes traditionnels sont binaires, à deux ou quatre temps . Tout ce que l’on peut entendre aujourd’hui
qui contredit ceci correspond à un élément importé. ( valse, rythme à 5 temps, rythme ternaire)
Par suite toutes les techniques de danse tahitienne découlent de la formule un-deux, ou un-deux-trois-quatre.
Les principes de déplacement dans l’espace ont un lien très étroit avec la pulsation. Bien que l’on danse aussi bien sur le rythme que sur la pulse. Ainsi sur quatre pulses ou quatre sous-pulses on se déhanche quatre fois ou trois fois, le quatrième temps étant marqué ou correspondant à un étirement du déhanchement exécuté sur le quatrième temps.
Les chorégraphes peuvent aussi bien travailler sans musique, celle-ci étant composée après, ou à partir de la musique.
Les danses sur un texte chanté ou récité sont, elles, toujours faites à partir de la musique .
Les deux bases : balancer, rouler
Le balancement : tamau, ce qui signifie « continu »
Il existe quatre manières de se déhancher, qui se déclinent elles-mêmes en variantes à pieds-plats ou sur demi-pointes, debout ou accroupi. Les deux premières manières s’exécutent selon le principe de la marche : les pieds et les hanches impulsent le mouvement, les hanches suivent.
* Le balancement de base n°1 ( tamau) les jambes ont un mouvement de pédalage en ciseaux. Les pieds martèlent le sol. Lorsque le pas est exécuté sur place seuls les talons se décollent légèrement du sol .
Les hanches suivent l’impulsion de jambes dans un mouvement « des plateaux de la balance ». c’est à dire dans un plan presque vertical.
Ce type de balancement est la base de tous les autres pas. S’il est exécuté de manière impropre aucun autre mouvement ne sera juste et la plupart des pas ne pourront même pas être exécutés. C’est la première chose qu’on apprend.
Le tamau n° 1 s’exécute accroupi ou debout, à pieds plats ou sur demi pointes ; le pas change de nom à chaque fois.
* Le balancement n° 2 ( taïri tamau, taïri toma) le principe est le même . les hanches suivent l’impulsion des jambes , cette fois en envoyant le mouvement latéralement, le plus loin possible. Cette forme de déhanchement est la base d’autre catégorie de pas.
* le balancement n° 3 (tamau tahito – tamau « ancien »)
Cette fois des talons frappent le sol simultanément . les hanches suivent l’impulsion des jambes . le mouvement utilise plus particulièrement la force centrifuge du poids du corps.
* le balancement n° 4 ( tamau taere) Le principe d’exécution est celui de la « marche inversée » c’est à dire que le déhanchement se fait sans appui sur la jambe. Si l’on se déhanche à droite, le poids du corps s’exprime sur le pied gauche. Visuellement cela donne quelque chose qui ressemble à la démarche caricaturale de la panthère rose.
Ce pas est très usité dans la danse hawaïenne mais fait partie intégrante des techniques de danse tahitienne, qui ne sont pas fondamentalement éloignées de celles de nos cousins hawaïens.
Le roulement. Il existe plusieurs manières de rouler le bassin.
Le principe de base est proche de celui des isolations de bassin, à ceci près que ce sont toujours les jambes qui commandent le mouvement. Rarement les hanches, à l’exception de certaines postures qui imposent de rouler avec les jambes bloquées.
Globalement il y a trois manières de rouler dont le rendu est différent
Le « faarapu » dans lequel l’accent du mouvement est dans le ventre. Le mouvement est rapide et s’exécute dans un seul sens, par la gauche ou par la droite, selon le pied d’appui de la danseuse
Le « faarori » l’accent du mouvement est dans les fesses. Mouvement rapide exécuté dans un seul sens .
Le « ami » ; roulement lent qui s’exécute dans les deux sens et connaît de multiples variantes. C’est un roulement ample qui ,utilise obligatoirement le transfert du poids du corps.
Tout roulement résulte de deux mouvements combinés : un balancement des hanches et un basculement du bassin ; la rétroversion du bassin associe la respiration, la contraction et le relâchement des muscles abdominaux du bas du ventre , la contraction et le relâchement du périnée.
Le placement du corps est indispensable à l’équilibre surtout lorsque le pas s’exécute sur demi-pointes, pieds joints ou croisés. Les muscles des fesses ne doivent jamais être volontairement contractés, ce qui contrecarre toute accélération. Le maintien est assuré par le buste (dorsaux, intercostaux) . les roulements s’exécutent dans toutes les positions , accroupi ou debout , à pieds plats ou sur demi-pointe , ils se déplacent dans toutes les directions et se superposent à des pas lents .
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